LE VÉTÉRINAIRE, L'ANIMAL ET L'HOMME face aux nouveaux enjeux de la société

D’après l’Organisation mondiale de la santé, 85% des pathogènes émergents et 60% des pathogènes humains sont zoonotiques et plus de 70% des pathogènes humains émergents sont d’origine animale.

L’ ère à laquelle nous vivons aujourd’hui est l’Anthropocène, littéralement « l’ère de l’homme », qui a débuté au XVIIIe siècle avec la révolution industrielle, moment où les activités humaines ont commencé à avoir une grande influence sur la biosphère. Malheureusement, ces impacts sur l’écosystème et la biodiversité ne sont pas toujours favorables. Nous faisons d’ailleurs face à une crise globale de l’environnement dont nous sommes les grands responsables. Cela se traduit par la perte accélérée de la biodiversité, la dégradation majeure des écosystèmes et par des changements climatiques rapides. Et ce n’est pas tout!

La santé animale s’en retrouve également perturbée ce qui peut mener à de grandes crises sanitaires chez l’homme, dans la mesure où près de 75 % des maladies émergentes chez l’être humain trouvent leurs origines chez les animaux.

Crise environnementale majeure

La biodiversité, l’éthique et le bien-être animal sont ainsi devenus des enjeux majeurs de notre société contemporaine, notamment concernant les vétérinaires qui souhaitent être considérés comme des acteurs de premier plan. Ce qu’il faut savoir, c’est que les c h a n g e m e n t s climatiques actuels, la mondialisation des flux, que ce soit des personnes ou des animaux, ainsi que l’intensification des élevages augmentent considérablement les risques d’apparition et de diffusion des zoonoses1 . La mise en place d’une coopération entre les services de santé humaine et animale a alors permis d’endiguer la spirale de crise grâce à l’application d’un principe simple : la prévention de la maladie chez l’homme nécessite la maîtrise en priorité de celle-ci à sa source animale.

Dans ces trois enjeux de société : biodiversité, éthique et bien-être animal, en plus de la santé animale, plusieurs thématiques sont regroupées. 

Pour la biodiversité, on peut s’attarder sur le développement durable, la protection de l’environnement, l’aquaculture2 ainsi que les insectes comme source de protéines. Du côté de l’éthique, on retrouve les sujets pouvant occasionner de grands débats, que ce soit chez les scientifiques ou le grand public : clonage, génétique, expérimentation animale...

L’enjeu du bien-être animal regroupe des thématiques du statut de l’animal, des relations avec la protection animale ainsi que des mouvements abolitionnistes, utilitaristes ou encore vegans.

Assurer la sécurité alimentaire

Dorénavant, c’est d’une réalité dont il faut se soucier : la santé de l’homme et la santé animale sont à la fois interdépendantes et liées à celle des écosystèmes dans lesquels les êtres humains tout comme les animaux cohabitent et coexistent.

Plus que jamais, la santé animale présente des enjeux de santé publique et le bien-être animal est au cœur des débats. Les études menées par l’OMS depuis plus de 15 ans tendent à montrer que notre écosystème va de mal en pis du fait que plus de la majorité des pathologies émergentes chez l’homme sont d’origine animale. Il est alors devenu plus qu’important de prévenir les maladies animales infectieuses en faisant participer les vétérinaires à la sécurité sanitaire. Ceux-ci travaillent avec d’autres professionnels de la santé végétale et de l’environnement ainsi que de la santé publique. Ensemble, ils unissent leurs forces pour détecter, traiter et prévenir les éventuelles épidémies de zoonoses ainsi que les problèmes de sécurité sanitaire concernant l’alimentation. 

La nécessité du programme « One World, One Health »

Depuis des milliers d’années, les microbes et virus infectent les hommes comme les animaux puisqu’ils vivent dans les mêmes écosystèmes. De nombreuses maladies comme la peste et la rage ont fait des millions de morts à travers les siècles. Avec les efforts des différents secteurs de la santé, il est aujourd’hui possible de prévenir voire d’éliminer ces contaminations en intervenant, par exemple, directement à la source animale du virus comme avec la vaccination des chiens contre la rage. Cette coopération met aussi en exergue un phénomène préoccupant, qui est l’antibiorésistance, il s’agit tout simplement d’une résistance de certaines bactéries. Si ces résistances étaient ponctuelles au départ, elles sont rapidement devenues massives avec certaines souches résistantes à plusieurs antibiotiques et d’autres « toto-résistantes », c’est-àdire résistantes à la quasi-totalité des antibiotiques qui existent actuellement.

En 2017, l’OMS a publié une liste de bactéries résistantes aux antibiotiques et représentant une menace à l’échelle planétaire, dont Staphylococcus aureus, Helicobacter pylori (ulcères de l’estomac), les salmonelles et Neisseria gonorrhoeae (gonorrhée) dont l’urgence du traitement est élevée contre une urgence critique pour les A. baumannii, P. aeruginosa et les entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE).

La vision vétérinaire dans les années à venir

Pour les professionnels de la santé animale, il est temps de s’occuper avec d’autant plus d’attention des animaux, qu’il s’agisse d’animaux d’élevage ou d’animaux de compagnie. Cela passe beaucoup par leur bien-être. Pour le cas des animaux domestiques par exemple, il a été remarqué que leur bonne santé contribue grandement à l’équilibre psychologique et affectif d’une grande partie de la population surtout en ce qui concerne les personnes les plus fragiles (les personnes seules et les personnes âgées). La santé publique vétérinaire s’est alors enrichie en intégrant les réponses aux attentes sociétales ainsi que la durabilité et le respect de l’environnement. Ainsi, en plus du projet « One World, One Health », le projet « Ecohealth » se développe depuis plusieurs années pour veiller et surveiller les impacts des transformations des écosystèmes sur la santé humaine. Cela passe par la médecine vétérinaire, en plus de l’intérêt pour l’antibiorésistance et des solutions pour la réduire.

Avec les services phytosanitaires, les services vétérinaires sont aujourd’hui devenus de véritables services à compétence nationale. Les vétérinaires se voient assurer des missions supplémentaires dans les domaines de la sécurité sanitaire des aliments et du bien-être animal, en plus du combat contre le développement de la délinquance dans le domaine agroalimentaire.

(1): Zooonose : maladie infectieuse ou parasitaire transmissible d'un animal à l’homme et inversement.(2): Aquaculture : élevage d'espèces aquatiques.

Il est aujourd’hui possible de prévenir voire d’éliminer les contaminations de l’Homme en intervenant directement à la source animale du virus comme avec la vaccination des chiens contre la rage.